Quelques rappels et  informations concernant le déremboursement des traitements anti-Alzheimer  décidé par un arrêté du 31 mai 2018 afin de suivre la recommandation de la commission de transparence de 2016  qui considérait que le service médical rendu était insuffisant pour justifier que le coût du traitement soit pris en charge par la solidarité nationale.

Quelques rappels

  • L’absence de remboursement prendra effet le 1er août 2018 (pour le moment les traitements anti-Alzheimer : donepezil, rivastigmine, galantamine, mémantine, sont toujours remboursés)

 

  • Contrairement à ce qui a parfois été dit sur les media, AUCUN signal de toxicité, ou dangerosité de ces médicaments n’est apparu depuis leur mise sur le marché il y a 20 ans pour le donepezil et plus de 10 ans pour les autres. Ces médicaments, cholinergiques pour les IAChE, ont bien sûr des effets indésirables que vous connaissez bien, et dont on prévient les patients et les familles à l’introduction du traitement. Effets indésirables  assez peu fréquents et, pour beaucoup, L’absence de signal  a été confirmé par toutes les agences françaises, européennes, internationales,  y compris l’ANSM, qui sont très vigilantes. A noter qu’on ne parle plus de danger dans les medias maintenant, car ce point était infondé. Vous trouverez ci-joint les articles récents montrant par des meta-analyses (Knight et al 2018), l’absence de danger notamment cardio vasculaire (Tan et al 2018, Isik et al 2018) quand les traitements sont proposés à bon escient bien sûr, et il faut rappeler qu’ils ne sont indiqués que dans la MA et les démences à corps de Lewy/Parkinsoniennes).

 

  • L’efficacité est modeste, trop modeste pour être perceptible à l’introduction dans de nombreux cas, mais existe, elle est confirmée, et n’a jamais été démentie (on pourrait donc juger que le coût n’a pas à être porté par la solidarité nationale à condition de le  comparer à d’autres mesures, ce qui serait un acte politique, un choix raisonné,  mais on ne peut PAS laisser dire que les traitements  n’ont pas d’effet et ne servent à rien, les preuves se sont accumulées avec le temps, ci-joint par exemple la dernière revue Cochrane sur le donepezil (Birks et al 2018). Il s’agit d’un effet symptomatique (en lien avec la compensation partielle du déficit cholinergique), qui disparait à l’arrêt du traitement. Ce qui est montré c’est une pente de déclin cognitif et fonctionnel moindre sous traitement que sous placebo. Les patients continuent à s’aggraver, parfois après un plateau plus ou moins long,  mais moins vite sous traitement. On considère donc qu’il s’agit principalement d’une action sur les symptômes (attention, motivation, « présence » , moindre désorientation… activités de vie quotidienne).

 

  • Certains patients, notamment ceux qui ont un variant à corps de Lewy (maladie associée à un déficit cholinergique encore plus important que dans la maladie d’Alzheimer) ont vu  leur situation s’améliorer sous traitement, de façon notable par la famille et le médecin. Ceux-là en particulier sont à risque de déclin rapide et sérieux  à l’arrêt du traitement.

 

  • Les autres pays remboursent les traitements car des études académiques menées par le NICE notamment (agence du Royaume-Uni, équivalent de la HAS) ont montré que le rapport bénéfice/risque et coût/bénéfice étaient en faveur de ces médicaments. Après randomisation de patients déjà sévères (MMS=12 en moyenne dont médecins et familles avaient décidé d’arrêter les traitements car convaincus qu’ils ne servaient à rien), en 4 groupes de traitement : 1) donépézil, 2) mémantine 3) donépézil + mémantine, et 4) placebo, il apparait que les groupes 1-2-3 traités avaient un meilleurs MMS et surtout de meilleurs scores fonctionnels que les patients sous placebo et cela au moins jusqu’à 1 an. Ils ont continué à suivre les patients et ont vu que les patients traités entraient moins vite en institution. Ces articles sont parus dans le New England Journal of Medicine (Howard et al 2012)  et dans le Lancet Neurology (Howard et al 2015) – ci-joints. Du coup les autorités ont décidé non seulement maintenir le remboursement mais aussi d’encourager le diagnostic et les prescriptions par des campagnes grand public, sur des arguments purement médico-économiques (Un effet minime à l’échelon individuel a d’importantes conséquences en santé publique s’il s’agit d’une maladie très fréquente et couteuse), ce qu’applique le Royaume-Uni, qui vient de réactualiser ses recommandations en maintenant sa ligne de conduite (voir le site du NICE )

 

  • L’AMM est maintenue partout en France comme dans les autres pays. (ce qui montre bien que ces médicaments ne sont pas dangereux, car il aurait fallu supprimer l’AMM si cela avait été le cas). L’Europe a reconduit récemment l’AMM Européenne et confirmé son intérêt.

 

  • Le coût actuel des traitements est d’environ 30  € par mois. Tous les médicaments sont génériqués depuis longtemps. Ce coût est relativement modeste, beaucoup de familles peuvent faire le choix de poursuivre le traitement à leurs frais, encore faut-il leur laisser le choix, en leur apportant toutes les informations (ce qui prend du temps). Mais le coût va certainement augmenter car la taxe sur le médicament va augmenter et le prix sera libre, les pharmaciens pourront prendre la marge qu’ils veulent. Il faudra donc faire jouer la concurrence. Toutefois il y aura des actions possibles auprès de la CRAM pour des cas particuliers.

 

  • Que se passe-t-il quand on arrête les traitements ?  A 6 semaines d’arrêt les patients ont des tests cognitifs et fonctionnels qui rejoignent ceux des personnes qui n’ont pas été traitée. Il est certain que parfois la marche est haute, parfois non. L’arrêt brutal peut entrainer un syndrome confusionnel, des hallucinations jusque-là contrôlées, ou une aggravation fonctionnelle rapide qui peut surprendre. Reprendre le traitement après un arrêt de quelques semaines peut améliorer la situation mais le malade ne retrouvera pas le niveau d’avant l’arrêt. Si vous avez des observations d’aggravation de l’état des patients à l’arrêt des traitements je vous invite à signaler l’observation à la Pharmacovigilance du Nord et Pas de Calais : il suffit d’envoyer un mail en racontant ce qu’il s’est passé à l’arrêt à l’adresse suivante :  pharmacovigilance@chru-lille.fr   Ce service peut faire la déclaration pour vous, c’est très simple. Je vous envoie le schéma de l’étude de Rogers et al 1998, déjà ancienne, mais plus personne n’a trouvé éthique ensuite d’arrêter les médicaments de façon randomisée avant un stade sévère.

 

 

Quelques informations

  • Les Associations France Alzheimer et France Parkinson, les Sociétés Savantes, notamment les Sociétés de Neurologie, de Psychiatrie et de Gériatrie se sont émues de cette mesure ont envoyé un Communiqué de Presse et une lettre à Madame Buzyn pour lui demander de  revenir sur ce déremboursement.
  • Le Groupe qui a rédigé le « Guide Parcours de soins des patients présentant  un trouble neurocognitif associé à la maladie d’Alzheimer ou à une maladie apparentée de la HAS »     (qu’attendait la Ministre pour annoncer le déremboursement) a voulu se désolidariser de cette mesure, et a aussi envoyé un communiqué de presse
  • Alzheimer Europe a également envoyé un communiqué de Presse en s’offusquant de cette mesure incompréhensible
  • Les Associations et Société Savantes s’apprêtent à faire un recours en justice car  il s’avère que la Commission de Transparence qui en 2016 a rendu ses conclusions qui aboutissent (logiquement) à ce déremboursement n’était pas impartiale et son analyse biaisée. En effet, il  est avéré que plusieurs membres avaient déjà pris position AVANT toute analyse (il ne vous échappe pas qu’il y a une sorte de lobby anti-traitement tout aussi entendu que le lobby des industriels des médicaments qu’on n’entend d’ailleurs pas dans le cas présent car il n’est plus concerné par ces médicaments génériqués). Un « gériatre-expert » a même sorti un livre juste avant le déremboursement « Alzheimer le grand leurre » qui déclare que cette maladie n’existe pas, qu’elle est une construction sociale, montée par les industriels du médicament, ce qui est pour le moins surprenant pour un expert de la commission de transparence de la HAS, et cela ne figurait pas dans sa déclaration de liens d’intérêt.
  • La fédération des centres mémoire avec 6 autres requérants (sociétés savantes et association de malade) a déposé un recours contentieux au conseil d’état le vendredi 27 juillet pour demander l’annulation de l’arrêté pour vice de forme

 

Documentations :

 

Nous restons à votre disposition pour tout complément d’information

L’équipe du CNRMAJ

 

Déclaration de Liens d’intérêt
Je n’ai aucun lien financier avec l’industrie pharmaceutique (ni personnel ni familial). Je ne reçois aucun visiteur médical.
Je participe en tant qu’investigateur ou co-investigateur à de nombreux essais thérapeutiques innovants réalisés dans le service (immunothérapie anti-amyloïde, anti-tau, inhibiteur de la cyclase glutaminique, inhibiteurs de BACE), ou de biomarqueurs, dont les contrats sont réalisés directement avec le service juridique et financier du CHRU. Je n’ai donc des contacts qu’avec les départements de Recherche et Développement des entreprises du médicament, jamais avec les services commerciaux. Aucun médecin du service n’a d’activité libérale, et ne reçoit d’honoraire.
Je suis membre d’un DMC (Data Monitoring Committee) pour un essai de prévention de la maladie d’Alzheimer (Alzheimer Prevention Initiative) déléguée par le CHU de Lille. Il s’agit d’un consortium public /privé : NIA (National Institute of Aging), Novartis, Genentech, Banner Alzheimer ‘s Foundation. Je n’en reçois aucun émolument (contrat avec le CHRU).
Sur le fichier « Base transparence santé » : une seule déclaration figure me concernant « le 3/12/2013 Ipsen Pharma : Repas 47 euros », pour un EPU que j’avais accepté de faire (gratuitement comme toujours) à des pharmaciens près de la gare de Lille le périmètre était régional… j’avais bien vu qu’il y avait un buffet auquel je n’ai pas touché, rentrant aussi tôt que possible…
Toutes les autres mentions concernent des homonymes, même à Lille, où j’ai, ou j’avais, un homonyme hématologue…
Florence Pasquier

Rappels suite au déremboursement des traitements anti Alzheimer